Un voyage en bateau
Le marin a le mal de mer
Depuis qu’il est tout petit.
Il ne sait pas nager
Et n’a jamais tenté l’apnée.
Il n’y voit rien, sa vue lui joue des tours.
Un jour il croit voir une baleine,
Et le lendemain une tortue géante.
La nuit les poissons volants lui passent au-dessus de la tête.
Le jour le soleil tape si fort
Que la sueur lui dégouline sur le visage
Comme de l’huile du moteur
De son vieux rafiot.
Le marin a peur.
Il craint d’accoster n’importe où
De peur de rencontrer quelque autochtone mal intentionné.
Il ne connaît que son port,
Celui où il est né
Et où il compte bien mourir.
Il n’a jamais dépassé
Les îles derrière l’horizon.
Il ne sait pas lire les cartes
Des chercheurs de trésors.
Il a juste une veille bague que son grand-père
Lui a donné quand il avait huit ans.
Il sait juste que la regarder
Lui donne des forces,
Et qu’il peut comme cela attraper
Les poissons volants par la seule force
De ses mains et des ses bras.
Il est comme ça si riche
De ce petit festin,
Qu’il rentre tous les soirs
Le déguster seul dans sa tanière.
Il sait qu’un jour
Une sirène apparaîtra
Et qu’elle sera sa femme.
Il sait qu’un jour
Il sera riche à millions,
Mais il aura perdu
Le paradis, le seul, qu’il tient
Tous les jours entres ses mains.