Le nez dans le sac
La bouche dans l’omelette
Le coq dans le vin
La farce et attrape
La lie du vin
La plume à sauter
Le corps en cri
L’apéro pire
La rave improvisée
La roulotte malaimée
Le reste à quai
La devinette cool
Le repas chasseur
L’ogre endormi
Le chacal du soir
L’ombre portée
Le souvenir d’avant
La survenue impromptue
L’or du soir
La couleur du désespoir
L’ogre malin
Le revers de la main
L’opossum vert
La chenille démontée
L’occasion rêvée
La chose impossible
Le renard rouge
Le soleil d’espérance
La rêverie ravageuse
Le fer à cheval
L’homme décontenancé
La femme maligne
La sauvageonne du bout du chemin
Le cafard coléreux
La rivière désespérée
La fille du chef
La peur bleue
Et derrière un miroir
Mon cœur en mille morceaux
Mon souffle coupé
Mon œil qui s’ouvre
Mon bras qui s’étend
Mon pied qui vacille
Mon arbre auprès duquel je dors parfois
Mon chant d’oiseau le matin
Mon chat dans le jardin
A chercher des souris imaginaires
Cachées dans les feuilles mortes
Qui s’envolent avec le vent
Mon espoir
Mon regret
Mon rêve
Ma tristesse
Mon cœur en mille facettes
Colorées, tordues dans tous les sens
Comme pour expier une faute
Mon cœur qui bat encore et encore
C’est pour quoi ?
Pourquoi détruire la vie ?
Quand elle n’attend que de s’immiscer dans les recoins des rues,
Qu’elle rayonne aux façades des immeubles,
Qu’elle rit très fort malgré le chagrin,
Qu’elle pleure
Et avec ses larmes illumine
D’un arc-en-ciel les dernières
Lueurs du jour moins long,
Du jour d’automne,
Du jour aux arbres rougis.
Car le sang rouge a coulé
Et que rien n’efface
Pas maintenant.
Il faut le temps du deuil
Et nous repartirons sur les chemins défendre notre désir.
A l’ombre de ton souffle
Il avait du mal à parler
Sauf lorsqu’il lui parlait.
C’était un jeune homme timide, soucieux de plaire au monde,
Amoureux de cette jeune fille
Fraîche comme une rose.
Sa timidité s’envolait
Sous sa volonté forcenée à lui plaire.
« La femme de sa vie » disait-il.
Et puis un jour elle partit
Si loin qu’il ne pouvait pas la rejoindre.
Désespéré, il se jeta à l’eau,
Traversa le grand bain
Comme il disait ironiquement,
Arriva de l’autre côté
Continua à pied et la retrouva.
Elle avait changé.
Son visage, ses cheveux,
Rien ne correspondait à son souvenir.
Alors las et triste
D’avoir perdu cette image idyllique
De sa bien-aimée,
Il s’enfonça dans la montagne
Et disparu au fond des forêts de mélèzes.
Elle resta là immobile.
Elle regarda le ciel, les étoiles,
La nuit,
Et vieille le rejoignit
Au pays après la vie,
Loin très loin au milieu des forêts.
C’est peut-être là qu’ils se sont retrouvés.
Les retrouvailles
Un jour dans une usine quatre chaises sont fabriquées.
Elles arrivent dans le magasin
Et le vendeur les aligne.
Elles sont belles, rutilantes
Et attendent avec impatience
Le jour où quelqu’un s’assiéra dessus.
Et le jour était venu.
Un jeune couple de passage dans la grande ville
Les avait repérées.
Ils s’approchent intrigués
Par leur allure moderne et
Leur aspect confortable.
La femme s’assoit sur l’une d’entre elles.
Elle soupire de contentement
Posée sur l’assise en skaï et contre le dossier en métal,
« Elles seront parfaites dans la cuisine autour de la grande table », dit-elle.
Le couple les achète.
Le vendeur les livrera dans quelques jours.
Elles arrivent dans la cuisine.
Elles y resteront quarante ans,
A se regarder et à se raconter des histoires de chaises.
Quand un jour le mari meurt,
Sa femme devient folle de chagrin
Et est emmenée dans un hôpital où elle finit par décéder
Quelques mois plus tard.
Les chaises restent dans le grand appartement vide.
Les enfants et les petits-enfants emportent les objets
Mais on décide de ne garder que deux chaises.
Les autres iront à la brocante.
Les deux chaises, comme deux amies indéfectibles
Se serrent l’une contre l’autre.
La petite fille les garde chez elle,
En laisse une pendant quelques années dans une cave,
Et à la suite d’un déménagement,
Les réunie à nouveau autour d’une table toute ronde.
D’autres chaises deviennent leurs amies.
Depuis les conservations vont bon train.
Les deux amies sont réunies.
Etre un rubik’s cube
J’ai l’impression d’être un rubik’s cube
Pas fini, pas mis dans l’ordre,
De trouver une nouvelle couleur
Tous les jours,
De ne pas savoir quelle couleur
Va avec telle autre,
De ne pas trouver la solution
Qu’en bougeant les faces
Une à une
De plus en plus vite.
Et pourtant là c’était presque juste.
Il suffisait d’une ou deux couleurs.
Un jour les couleurs s’harmoniseront
Et chaque face aura une seule et même couleur.
Un jour l’harmonie colorée
Régnera sur ma vie.
En attendant, je tourne autour du grand vide.
A l’aube du voyage
Le voyage devait déterminer
Qui serait l’élu.
Elu par le peuple
Après des mois de campagne.
A travers le pays
C’est une femme qui était la mieux placée.
L’autre était hautain
Et ne plaisait pas aux foules.
La femme toute fraîche,
Du moins ses idées,
Fut élue facilement.
Et elle changea tout.
Un jour un tremblement de terre secoua le pays.
Les habitants affolés fuyaient
De toute part.
Alors à travers les ondes,
Derrière les micros, elle se mit à bégayer.
Elle ne réussit pas à aligner deux mots.
Elle devint toute rouge
Devant toutes les caméras
Et s’étouffa en direct
Sans avoir rien dit.
Le silence fut assourdissant.
Les survivants se réunirent
Et décidèrent qu’il n’y aurait plus de chef.
Seuls quelques uns seraient désignés
Pour gérer le tout-venant.
Et tous les mois ce conseil serait renouvelé.
Tout le monde oublia la chef.
Elle devint une ombre
A laquelle une poignée d’hommes rendit hommage
Les nuits d’hiver
Dans le cimetière où elle reposait.
C’était sans doute le moment le plus paisible de son règne.
C’est beaucoup trop long
Dit comme ça
Cela n’avait l’air de rien
Un refrain, une rengaine tout au plus
Pourtant ça lui avait fait tilt
Tout d’un coup il savait
Le fin mot de l’histoire
Comment c’était arrivé
Comment cela s’était terminé
L’autre soir malgré
Le très beau coucher de soleil
Il essayait d’oublier
Cette sordide histoire
En sirotant des bières
Une, deux, trois et puis
Tout ce temps à attendre
Il ne savait pas quoi au juste
Alors il rentra chez lui
Alluma la radio
Ecouta deux trois phrases ampoulées
Dites par le présentateur
Puis un air entrainant
Il se mit à danser
Au milieu de sa solitude
Infinie
Mais il n’oubliera pas
Il se le jura
Il s’endormit sur le canapé
Demain il recommencerait à vivre
Nous marchons parmi la sauvagerie
Ils étaient habillés de bleu.
Sur leurs lunettes de soleil se reflétaient
L’onde marine bleue elle aussi.
On les avait abandonnés
Là loin du pays d’origine.
Le reste de la troupe était
Partie en guerre bien au-delà des mers.
Leurs vieux chapeaux élimés
Et délavés les cachaient à peine du soleil.
Ils regardaient au large
Mais ne voyaient rien venir.
Ils avaient quelques caisses
Remplies de pain, d’olives
Et un peu d’eau pour chacun.
La guerre était sans doute
Finie depuis longtemps
Mais on ne sait jamais
Il valait mieux garder une arme même pendant la nuit.
Soudain au-dessous de toutes les étoiles
Qui scintillaient fort,
Une explosion se fit entendre,
Puis un bateau gris arriva
Sur le roulis des vagues
Très lent comme dans un rêve.
On venait leur annoncer
Qui était le nouveau chef
Commandant général.
Un haut parleur leur criait « Keep calm ».
Mais rien n’y faisait,
La troupe était nerveuse
Et tout prés de tirer
En direction du bateau.
Puis le général commandant en chef arriva sur un petit bateau
Et dit à la troupe : « Votre seul avenir c’est d’être mes esclaves ».
Alors la troupe en deux trois regards décida
De tuer le commandant général en chef.
Ils prirent le grand bateau
Sur le roulis des vagues
Très lent comme dans un rêve,
Et annoncèrent d’îles en îles
La bonne nouvelle.
Le peuple avait gagné.